amer est difficile à définir. Difficile à définir par ces composants, amer 1 et amer 2, mais aussi et surtout par leur musique. À l’image de leur nom, simple et énigmatique, amer propose une musique hybride, dans laquelle s’entrecroise les éléments synthétiques. Et après avoir notamment collaboré avec A$tro Boi et Ray Webster, le duo a fait le premier pas fin 2021 avec signal, premier long format d’un peu plus de vingt minute. À mi-chemin entre le rap et la musique électronique au sens large, le duo lyonnais nous livre sept titres de bidouilleurs de son, en forme d’expérience constante. Une entrée musicale réussie pour laquelle nous avons retrouvé la moitié du duo, amer 1, afin de mieux définir cette fameuse musique si particulière.

rapreporter.ch : Pour commencer, est-ce que tu as des souvenirs de tes premiers contacts avec la musique ?

amer 1 : Ouais, même si ça remonte (rire). Quand j’étais tout petit, à même pas dix ans, j’avais eu un mp3 à Noël, ceux qui avaient une petite clé USB au bout que tu devais brancher sur l’ordinateur, il devait y’avoir cinq mega dessus. C’était mon oncle qui nous l’avait offert, à moi et mon grand frère, et il avait déjà mis des sons dessus. Et du coup, aussi loin que je m’en souvienne, c’est de là que doivent venir mes premiers souvenirs. C’était des sons un peu pop américaine assez clichés et niveau rap, il y’avait des sons qui m’ont parlé comme Brasco à l’ancienne de fou ! Ces chansons un peu mélancoliques, ça m’avait pas mal matrixé. Et il y’avait aussi pas mal de son de groupes qui n’ont eu qu’un seul son qui a grave marché.

rr.ch : Et si tu ne devais citer qu’un artiste de cette époque, ce serait qui ?

a1 : En vrai, je pense que c’est vraiment Brasco que je te citait avant. Je l’ai pas écouté si longtemps, mais le peu de temps où je l’ai fait, ça m’avait vraiment matrixé. Après, j’écoutais un peu sans connaître, je laissais défiler sur mon mp3 et deux ans après, je connaisais toujours pas l’artiste. Tout ce que je savais, c’est que c’était la piste 7 sur 22, comme c’était marqué sur mon petit écran, pas le véritable nom du titre (rire).

rr.ch : Après cette première rencontre avec le rap, est-ce tu as continué d’en écouter ?

a1 : Pas vraiment. Période collègue, je n’étais pas du tout dans le rap. J’étais un peu un auditeur cliché de l’époque, du genre dubstep à la Skrillex. Du moment que ça tapait un max, j’étais content (rire). Et limite, j’étais contre le rap. j’étais le genre d’auditeur un peu débile à dire « ouais, il raconte que de la merde ». Et même si mon grand frère essayait de me faire écouter des sons plus à l’ancienne comme le Booba du début, j’accrochais pas trop.

rr.ch : Et quel artiste t’a fait revenir au rap ?

a1 : Je pense que c’est Médine. Je suis tombé sur lui à une époque où ce qui me touchait, c’était vraiment les paroles. Je comprenais pas trop quand il y’avait des insultes, de l’egotrip etc. Ça m’a parlé et je me suis ensuite plus ouvert, d’abord vers du rap plus mainstream, avant de commencer à écouter des trucs de moins en moins connus. Je suis même passé par une phase un peu élitiste un peu dégueulasse du genre « le rap, c’était mieux avant » et tout (rire).

rr.ch : Qu’est-ce qui t’a donné envie de composer de la musique ?

a1 : Je pense que c’est un pote du lycé qui commençait à faire de la musique un peu pour rigoler, des sons un peu marrants style électro avec des phrases chelous sorties de films du genre « Las Vegas Parano ». Et un jour, comme ça, j’ai installé Ableton et j’ai commencé à faire un peu de son. Je savais rien faire à l’époque, j’avais aucune connaissance dans la musique, genre le solfège et tout. Zéro connaissance. D’ailleurs, encore maintenant, j’ai zéro connaissance. Mais du coup, je me démerdais, j’arrivais à sampler deux-trois trucs. C’était même plus juste du coupé, à la limite du plagiat que du sample (rire). Mais tu vois, j’essayais de faire des trucs, j’avais un blase à moi, en solo. J’ai sorti un premier projet un peu boom-bap avec que des trucs samplés. Franchement, c’était dégueulasse mais ça a commencé par là. Et en regardant des tutos, j’ai commencé à connaître FL Studio et j’ai vite laissé Ableton. Après avoir migré sur FL, c’est là que j’ai commencé à faire des compositions un peu plus actuelles.

rr.ch : Comment est-ce que tu rencontres amer 1, avec qui tu travailles aujourd’hui ?

a1 : Un jour, j’avais mis un son à moi sur Facebook sur mon compte perso. Et il y’a amer 1, avec qui j’étais pote de cours au lycée, qui m’envoie un DM me disant « Ha, toi aussi tu fais du son, ça serait bien qu’on en fasse ensemble ». Et de là, on a commencé à se voir pour composer ensemble.

rr.ch : Vous fondez ensuite directement amer ?

a1 : Non, pas directement. On avait vraiment chacun nos blases d’artistes au début et, petite à petit, on a fait de plus en plus de son ensemble. On a commencé à faire des projets, lui avait un petit local où on a installé notre studio en mettant deux enceintes et des mousses accoustiques. Un peu ghetto mais ça nous suffisait largement ! Et vu qu’au bout d’un moment, à chaque fois qu’on faisait du son et qu’on le sortait, c’était ensemble, on s’est dit, autant faire une entité à deux. Comme ça, on évitait que pour chaque sortie, ce soit marqué « machin feat machin ». C’était plus logique, plus pratique.

rr.ch : Est-ce que l’alchimie s’est direct faîte lorsque vous vous êtes rencontrée ?

a1 : Oui et non. Au début, on arrivait à composer ensemble, mais vu qu’on était pas hyper proches de base, on osait pas trop se dire « Vas-y, ça, c’est un peu nul ce que tu es en train de faire ». Alors que maintenant, on n’hésite pas à se dire « Frère, là ce que t’es en train de faire, c’est de la merde » (rire). Et bien sûr, avec le temps, on s’est aussi perfectionné chacun de notre côté, ce qui a également facilité la collaboration.

rr.ch : Et est-ce qu’il écoutait et faisait la même musique que toi à l’époque ?

a1 : Non, il venait pas du tout du rap. Il écoutait plus de la house, de la techno etc. Du coup, je lui ai un peu appris les standards des productions rap parce que la techno, ça n’a rien à voir. Et lui, en parallèle, il m’a fait connaître les sonorités analogiques de la house et de tout ce qui est musique électronique en fait. Moi, à l’époque, j’étais un peu plus classique, du genre guitare-violon (pause), des instruments physiques quoi ! Et en fait, on s’est un peu créer, sans forcément faire exprès, une espèce de signature en mixant les sonorités analogiques et les rhythmiques plus rap.

rr.ch  : Est-ce tu te souviens quelle était votre première collaboration avec un rappeur ?

a1 : Ça remonte à avant qu’on devienne amer. Ã l’époque, on commençait à travailler avec A$tro Boi, avec qui on taffe toujours, et qui commence d’ailleurs à bien marcher. Il était venu nous voir en nous disant « c’est cool ce que vous faîtes, ça vous dirait qu’on collabore, je suis sur un projet ». Et en vrai, c’est lui en premier qui a vu quelque chose en nous et qui nous a fait confiance. On lui a fait deux-trois prods, il les a pris mais il n’en a pas fait grand-chose dans un premier temps. Et peut-être un ou deux ans après, il a utilisé notre prod pour son premier projet Moon. On a trouvé ça super cool de placer pour un mec et on a gardé contact. Et suite à ça, on a commencé de fil en aiguille à connaître d’autres personnes dans le milieu.

rr.ch : D’ailleurs de base, est-ce que vous avez commencé la musique avec comme objectif de placer pour des rappeurs ou pas forcément ?

a1 : Non, pas vraiment, nous on voulait juste faire du son. On n’était même pas non plus forcément axés instrus rap. Moi, je faisais ce que je savais faire, enfin ce que je savais à peu près faire, vu que ça ne faisait pas hyper longtemps que j’avais commencé. Lui avait un peu plus d’expérience. Mais ce n’était pas forcément dans l’optique de placer, c’était plus juste s’amuser en faisant du son. Et puis, je me souviens qu’une fois, on avait fait une prod et on s’était dit « Bah viens on va essayer de mettre un accapella d’un artiste dessus pour voir ce que ça donne. Et, pour nous, et je dis bien pour nous (rire), ça passait bien. Et voilà, à force, A$tro (Boi) nous a contacté et là on s’est dit qu’il y’avait peut-être un truc à faire. C’est toujours cool d’avoir un artiste qui valide et qui, en plus, pose dessus. Mais en vrai, sur toutes les prods qu’on fait, il y’a peut-être cinq pour cent qu’on place. Il y’a trois-quarts de prods qui restent dans le PC parce qu’on les oublie. On fait une prod, on se dit « Ha ouais, elle est bien, faudrait la placer » et nous, on est tellement des branleurs, on se dit « Ouais, aller, on verra » (rire). Et après, on commence une nouvelle prod et on se dit « Celle-là, on la place » et on retombe dans le même schéma (rire).

rr.ch : Et actuellement, avec quels artistes vous travaillez ?

a1 : Ces temps, on taffe beaucoup avec Ray Webster sur son projet VX®, notamment car il vient de s’installer à Lyon. On a également eu l’occasion de travailler avec Neimo, un canadien que l’on connait grâce à A$tro (Boi). Et dans l’ensemble, on continue à se faire deux-trois petits contacts d’artistes et on travaille avec eux. Après, il y’a pas forcément quelque chose qui sort, mais on leur envoie des prods et on compose pour eux.

rr.ch : Comment est venu l’idée de créer signal et comment s’est passé sa création ?

a1 : On a eu assez vite eu l’idée de sortir un projet, de créer un truc un peu concret, en gros, de sortir nos propres sons. Et du coup, on s’est lancé dans signal et ça s’est vite révélé être une belle galère. En fait, on s’est pris la tête comme si c’était un album de malade. On a mis vachement de temps à le finir parce qu’on a essayé de faire un truc recherché, qui fait des références, pour construire un fil rouge solide. Et en même temps, on se disait « ça sert à rien, on va faire 200 écoutes » (rire). Mais c’est juste que ça nous faisait kiffer de faire un projet ultra cohérent. A la fin, c’est assez compliqué à expliquer toutes les étapes par lesquelles on est passé pour en arriver là, c’est vraiment bordélique et c’est souvent comme ça avec nous (rire). Genre, exemple tout con, pour trouver le nom amer, on a mis genre six mois pendant lesquels on s’est cassé la tête pour trouver un bon blase. On avait des idées, on savait qu’on voulait quelque chose de français, court et cool, mais ça a pris beaucoup de temps. Pareil, trouver le nom du projet, ça a été interminable. Limite, on a pris plus de temps à trouver le nom du projet qu’à le faire !

rr.ch : Et du coup, d’où vient ce nom si difficile à trouver ?

a1 : Ça vient juste d’une blague à la con. On galérait à trouver un nom et, au bout d’un moment, on craquait totalement et on ne faisait que de proposer des noms de merde. Et je sais pas pourquoi, d’un coup, on en est venu à parler de Mac Lesggy qui fait des tubes pour le dentifrices et on s’est dit « signal, mais oui, on a notre nom » (rire). En vrai, tout ce qui est de nos blases, nos sons, ça représente vachement notre état d’esprit. C’est souvent très hasardeux et spontané.

rr.ch : Tu chopes la magie du moment et tu construis du sens là-dessus

a1 : Voilà, c’est ça, c’est assez instinctif. Même quand on travaille ensemble, on tente beaucoup et des fois, ça passe et ça donne quelque chose de fou. On est vachement dans l’état d’esprit d’inventer des trucs, de proposer des choses qui n’existent pas ou alors qu’on entend rarement. Et du coup, même si dans ta tête, c’est de la merde, tu essaies de faire quelque chose avec la sonorité, la mélodie ou les percussions que tu as et des fois, ça donne des choses incroyables. C’est comme ça que s’est créer amer et le projet signal, dans l’instinct et avec la volonté de proposer quelque chose de nouveau.

rr.ch : J’aimerais revenir un peu avec toi sur la cover réalisé par Lamart, 411lamart sur Instagram, est-ce que vous l’avez laissé libre dans sa création ou est-ce vous aviez déjà une idée lorsque vous êtes arrivée vers lui ?

a1 : Alors, oui et non. En fait, moi j’ai fait la cover. Je l’ai imaginé, faîtes sur photoshop etc. À la base, je voulais qu’on mette une vraie image, une photo. Mais avec mon pote, quand on se voyait, on faisait juste du son, on ne pensait jamais à se prendre en photo. C’est limite un peu gênant de trouver une image parce de base, on est pas du tout dans ce mood là, on n’a jamais associé notre image à notre musique. Et du coup, comme on ne prenait jamais de photo, j’ai trouvé deux mecs sur internet, je les ai détourés, je les ai foutus sur un fond et je leur ai caché leurs visages. Comme ça, on croyait que c’était fait exprès et que c’était en fait nous alors que c’était juste fait avec les moyens du bord ! Et du coup, c’est de là que viennent ces deux personnages aux visages blancs cachés par l’éclairage. Le but, c’était de faire un contraste lumineux entre eux et le reste plutôt sombre, un peu comme le projet qui a une fin plus lumineuse. Et l’effet un peu peinture, c’est vraiment pour cacher que c’est un peu mal détouré et fait de manière amateur (rire). Comme ça, ça rendait le tout un peu stylé tout en masquant le résultat qui n’était pas ouf. Et comme ce n’était pas parfait, on a envoyé le projet à Lamart, un pote à amer 2 qui nous a déjà fait des logos pour nous et qui est freelance dans le design. Et après un peu de travail, il nous a rendu ça terrible en ajoutant des petits effets, en changeant un peu l’éclairage, l’ombrage et en proposant quelques idées.

rr.ch : Pour parler maintenant de l’EP en lui-même, ce que je trouve intéressant, c’est que dans les projets de producteurs, il y’a souvent plus de pistes avec des rappeurs que de titres instrumentales. Là, au contraire, vous avez fait le choix de proposer un projet avec cinq pistes sur sept uniquement instrumentales. C’était une volonté pour vous de mettre en avant la partie uniquement musicale du projet ?

a1 : Pareil, oui et non. Parce que nous, vu qu’on avait aucun contact, on a pris par défaut l’habitude de faire des prods assez chargées histoire que tu puisses l’écouter sans artiste qui posent dessus. Et le fait que amer 1 vienne de l’électro, qui est un style généralement sans voix dessus, et où les productions sont très évolutives, ça nous a habitué à produire de cette manière. Et du coup, ça se retrouve sur signal. Et en vrai, même un des seuls titres non-instrumentale, celui avec Ray Webster, n’était en soit pas prévu dans le projet. Initialement, ce son devait être pour son projet à lui et on le trouvait incroyable. Et au final, au dernier moment, il a décidé de ne pas le mettre dessus (sur son projet). Nous, on étais dég. Et quand on a commencé à parler de notre EP, on s’est dit « Il nous faut ce son ! » et il a finalement atterri sur notre projet.

rr.ch : Pour rebondir sur vos prods trop chargé pour poser dessus, est-ce que vous vous obligez parfois à faire des prods plus simples pour les placer ?

a1 : Alors non. Du coup, nous, on pense l’inverse (rire). On fait souvent des prods qui partent en couille et parfois, ça nous arrive de faire des trucs plus sobres. On ne part généralement pas avec une idée de ce qu’on va faire avec nos productions.

rr.ch : Et à l’inverse, sur votre propre projet, est-ce que vous aviez un regard sur ce que les artistes pouvaient faire sur vos prods ?

a1 : En fait, au début, on avait toutes les instrus et pas beaucoup d’artistes pour poser dessus. Et on se disait que ça serait bien de mettre le peu d’artistes avec qui on avait le plus contact. Comme ça, ça nous permettait d’avoir ni trop de titres instrumentaux, ni trop de titres avec artiste dessus pour que ce soit bien homogène. Et à la base, on avait fait cette prod et vu qu’on taffait ensemble, on avait demandé à Yung Dog de poser dessus car on le voyait vraiment bien dessus. Et à la base, il y’avait aussi un son avec A$tro (Boi), mais il bossait sur son projet donc il n’avait pas beaucoup de temps. Et partant de là, il (A$tro Boi) a proposé de faire un feat avec Yung Dog pour gagner du temps. Et finalement, il n’a juste pas eu de temps pour poser son couplet et c’est devenu un son solo. Et au niveau de comment ça s’est créer, on lui a donné carte blanche. Tout ce qu’on a fait, c’est lui expliquer le contexte du projet, l’histoire, de quoi ça parle en gros pour que ça colle. Et après, il a fait son truc ! On savait qu’il allait proposer quelque chose de chaud et quand il nous a envoyé, on a direct kiffé. Il a d’ailleurs même refait un peu la structure de la prod, en modifiant quelques passages pour que ça lui plaise à fond.

rr.ch : Pour rebondir là-dessus, j’ai l’impression que vous travaillez pas mal à distance. Est-ce qu’à l’avenir vous aimeriez travailler un peu plus en studio avec les artistes ?

a1 : Effectivement, à distance, c’est un compliqué mais Ray Webster est venu récemment s’installer à Lyon et c’était la première fois qu’on taffait dans notre studio un peu ghetto avec un artiste. On a vraiment trop kiffé donc ouais, ça nous plairait vraiment de pouvoir taffer en studio. Et ça nous permettrait d’encore plus travailler avec des personnes comme Ray Webster qui a un peu le même état d’esprit que nous, à tenter des sonorités bizarres, qui sortent de l’ordinaire. Typiquement, sur cosmos – 954, il y’a six ou sept pistes d’instruments qui jouent quasi la même chose, l’ingé-son arrive, il fait une crise cardiaque (rire). Mais ouais, ça serait vraiment un kiff de pouvoir travailler directement avec l’artiste, qu’il puisse proposer des trucs et qu’il y’ait un échange en soit.

rr.ch : Comme vous travaillez à deux, est-ce que vous avez vos habitudes, des rôles dans la composition ou pas spécialement ?

a1 : Ça dépend des fois en vrai. En général, ça se fait plutôt à l’instinct. Après, je sais qu’au début, j’étais un peu plus drums vu que mon pote était beaucoup plus dans les drums electro-house. Par défaut, c’était plutôt moi à la base qui m’en occupait, vu que j’écoutais du rap, trap etc. J’avais plus de références et d’automatismes. Mais maintenant, c’est assez aléatoire. Des fois, c’est lui qui se dit « pourquoi pas mettre des percussions un peu rock », des fois, c’est moi qui pars sur une mélodie. C’est devenu vraiment quelque chose qui se décide sur l’instant.

rr.ch : Niveau logiciel, tu as commencé sur Ableton et travailles actuellement sur FL Studio, c’est ça ?

a1 : Alors, j’ai commencé sur Ableton pendant un mois, puis je suis effectivement passé sur FL Studio pendant un bon moment. Et en fait, il y’a pas longtemps, je suis revenu sur Ableton, vu qu’amer 2 a toujours été dessus et que j’ai eu des galères de plug-in et VST. Et je trouvais également que ça (FL Studio) me bridais un peu. Au niveau des patterns et des intruments, c’était un peu chiant à ajouter et vu que je suis un gros flemmard, du moment que c’est un peu chiant, ça me saoule. Genre des fois, je termine des prods non pas parce qu’elles sont effectivement finies, mais parce que j’ai la flemme de rajouter un truc (rire). Alors que sur Ableton, c’est un peu plus le bordel, tu regardes mes projets, c’est scandaleux, mais je peux plus facilement ajouter des petits changement, des variations et ça correspond plus à ma manière de travailler. Et même des potes ont pu ressentir le fait que je me sentais mieux sur Ableton, à travers mes musiques.

rr.ch : Est-ce que vous travaillez avec des claviers, des intruments physiques ou vous composez tout à la souris ?

a1 : Alors, on a un clavier mais un clavier maître, un clavier midi, et on a également un petit synthé à la con. On a comme projet d’investir dans des vrais beaux claviers mais ça coûte un bras. C’est en cours et on aimerait vraiment pouvoir acheter des racks pour des big synthés, pour pouvoir créer notre propre son et ne pas avoir à passer par des presets. Le truc vraiment cool, c’est que nous, on n’y connait rien du tout et quand on va trouver un son, on va jamais pouvoir refaire le même. Et du coup, quoi qu’on fasse, ça sera toujours différent ! Actuellement, c’est possible que dans certaines prods, tu aies entendu un instrument que l’on déjà utilisé dans d’autres. Quand on aura ce matériel, rien ne se ressemblera ! On a vraiment hâte d’acheter du physique, des claviers bien analogiques, bien dégueulasses (rire).

rr.ch : Pour rebondir là-dessus et parler des sonorités que vous utilisez, une des choses qui m’a frappé dans votre musique, c’est l’utilisation très fréquente des arpeggiators. D’où vient cette affection pour ce genre de progression d’accord et plus largement pour les sonorités analogiques ?

a1 : Franchement, je ne sais pas (rire). Amer 2 m’a fait tomber dans ce délire un peu bizarre et au fur et à mesure, j’ai moi-même été parfois plus loin que lui dans cette recherche. Et même grâce à ça, j’ai commencé à beaucoup écouter du Muddy Monk qui utilise beaucoup ces techniques. Vraiment, c’est les sonorités que je kiffe le plus. Après, ce qui est un peu compliqué, c’est que c’est souvent plus difficile de placer des prods de ce genre. Mais des fois, ça marche comme sur signal ! Et en vrai, ça vient aussi des VST, on découvre des instruments qu’on ne connaissait pas sur un preset, un plugin etc.

rr.ch : Tu disais que c’était parfois compliqué d’incorporer la partie arpegiator dans des prods raps, mais pourtant, il y’a un pôle de producteur très important qui en ont fait leur marque de fabrique, c’est Therapy. Est-ce que c’est des producteurs que vous avez pu écouter ?

a1 : Ha ouais, la bonne grosse trap (rire). Alors moi, c’est un truc qui m’a touché, un peu comme tout le monde, mais je suis passé à autre chose assez rapidement. Maintenant, quand on en parle avec amer 1, on en parle plus limite comme un cliché de la bonne trap de 2010 pompé sur les ricains. Mais je pense que malgré ça, ça nous a forcément un peu marqué vu que ça passait partout et possiblement influencé indirectement.

rr.ch : Un autre aspect qui m’a intéressé, c’est l’utilisation de drum old-school sur des titres comme introspection ou encore c.n.u.e.h. D’où vient l’idée d’incorporer des batteries assez chaudes, presque accoustiques, avec vos sonorités très synthétiques ?

a1 : En fait, ça, c’est tout con. C’est juste qu’on commence à se lasser des placements des drums de la trap classique. Et même si moi par exemple, je continue encore de les utiliser, mon pote (amer 2), ça le saoule vraiment parce qu’il a l’impression de tout le temps faire la même chose. Et du coup, en partant de là, on a tenté de faire ce mélange de sonorité et ça a rendu quelque chose qu’on kiffe. Ça apporte un vrai truc en plus quand on va chercher une vraie batterie, que ce soit nous qui la composions ou que ce soit une loop qu’on aie récupéré. C’est quelque chose qui nous correspond bien et qui encore une fois amène un truc différent, ce qui a toujours été notre mentalité. Après, ça ne nous empêche pas de revenir des fois à des batteries un peu plus classiques.

rr.ch : En parlant justement de loop déjà faîtes, sujet qui peut être sensible dans l’industrie musicale, comment est-ce que vous travaillez avec et quel regard vous portez dessus plus généralement ?

a1 : En vrai, c’est cool que t’abordes le sujet parce que de notre côté, on ne se cache pas vraiment d’utiliser des boucles déjà faîtes, qu’elles soient de percussions ou mélodiques. Après, maintenant, on n’en utilise plus trop, à part pour des loops de batterie qu’on ne pourrait pas refaire nous-mêmes. Et même, en vrai, il y’a des producteurs qui n’aiment pas trop divulguer leurs drum-kit ou autre, nous, on s’en fout. On s’en fout parce qu’on propose un truc différent qui fait que même la personne qui a les même kits ne fera pas le même son que nous. C’est pas hautain, mais c’est juste qu’on est tellement perché que c’est dur à nous suivre (rire).

rr.ch : Un autre point qui m’a interessé musicalement, c’est le côté planant et surtout très libre dans la structure de votre musique. Typiquement, un morceau comme NATURE MORTE, je sens qu’il y’a une esthétique très travaillée, mais qui est lié à quelque chose de très spontané. Est-ce que tu arriverais à m’en dire un peu plus là-dessus ?

a1 : En vrai, c’est vraiment trop bien que tu l’aies ressenti comme ça parce que c’est exactement ce qu’on vise. Tout est instinctif, si on a envie de mettre deux refrains collés avec un couplet à la fin ou des trucs de ce genre, on le fait. Et c’est vrai que NATURE MORTE, c’est l’exemple parfait parce que quand on l’a fait, on a vraiment ajouté les éléments sur le moment et selon nos envies, sans penser à la structure globale. Des fois, il y’a des sonorités qui viennent une seule fois dans un son de trois minutes, et c’est juste parce nous, on voulait le mettre là et on l’a juste fait. C’est un état d’esprit qu’on veut vraiment faire ressortir dans nos sons, montrer qu’on n’est pas bridés par les standards radios classiques.

rr.ch : Et en vrai, je pense que le fait que vous n’ayez pas appris la théorie musicale de base comme le solfège, la structure couplet, pré-refrain, refrain couplet etc, suivre la bonne longueur de la mesure, c’est quelque chose qui vous a aidé dans cet aspect très expérimental.

a1 : Ouais totalement ! Moi, j’ai aucune notion de solfège, je place toutes mes notes à la souris jusqu’à ce que ça sonne bien et quand ça le fait je suis en mode « Ho putain trop bien » (rire). amer 2, c’est pareil, même si il a quand même des petites notions de pianos. Après, des fois, ça me fait un peu peur de taffer avec des artistes en studio parce que s’ils arrivent en me disant « Je verrais bien ça, et ça, et ça » je ne vais pas pouvoir arriver comme un Zaytoven ou Metro et pouvoir direct lui proposer tout ce qu’il veut en deux temps trois mouvements. Moi, je vais plutôt être là à toucher une note, puis une autre, puis une autre jusqu’à ce que je sois content. Après, d’un autre côté, c’est kiffant parce que tu ne fais jamais les mêmes accords, jamais les mêmes mélodies et ça donne quelque chose d’entièrement libre. On ne veut de toute façon pas se cantonner aux standards donc ça nous arrange plus qu’autre chose.

rr.ch : Dernier élément que je trouvais super intéressant, c’est dans résilience où, à la fin, il y’a un son qui ressemble un peu à une respiration, si tu vois ce que je veux dire.

a1 : Ha, putain, mais tu es détaillé, incroyable (rire) !

rr.ch : Tout a été décortiqué (rire). Mais du coup, je me demandais, d’où vient l’idée de mettre ce son et est-ce que l’idée de composer pour de la musique concrète ou ambiante vous intéresserait ?

a1 : Alors pour la première partie de la question, c’est du pur hasard. Je cherchais une reverb pour mettre sur la drum et je tombe sur un preset qui inverse la reverb. Et là, rien à dire, je trouvais ça juste incroyable. Et en plus, je m’attendais à tomber là-dessus en changeant juste de preset ! Et du coup, ça a donné cette espèce de son comme une respiration. Après, pour la musique concrète, je ne pense pas que nous, on irait enregistrer des sons naturels genre des bruits de cailloux, de respiration etc parce qu’on aura sûrement pas la deter (rire). Mais après, incorporer des sons de ce type qu’on a choppé dans des packs, on aime vraiment bien et on le fait souvent, surtout pour un projet comme signal. Rajouter des bruits de pas, de natures ambiantes, ça rajoute une ambiance, un contexte au son qui est cool.

rr.ch : Parlons maintenant de votre futur. Est-ce que l’idée de ressortir un projet du même acabit, avec les mêmes teintes, pour construire un univers musical amer vous intéresserait ?

a1 : Alors déjà, quand on a fini signal, on était libéré. On a tellement passé de temps dessus, à se casser la tête, à ajouter des petits détails que personne ne remarquerait que, lorsqu’on a l’a fini, on s’est dit « enfin on va pouvoir passer à autre chose ». Et en fait, en sortant du projet, lorsqu’on a refait des instrus, on voulait faire, je ne sais pas pourquoi, composer des trucs qui ressemblaient à signal. Et je n’y arrivais pas. Pendant un ou deux mois, je n’ai rien fait parce que j’arrivais pas à faire des choses qui ressemblaient à signal. Et au final, je me suis dit « Pourquoi je me fais chier, je vais juste faire des trucs qui me parlent ». J’étais vraiment trop concentré sur l’atmosphère signal. Dès que je faisais un son, je voulais mettre un arpegiator dessus (rire). Mais finalement, j’ai vu que ça me bridait plus qu’autre chose donc je pense que ça viendra comme ça viendra. Forcément, il y’aura des ressemblances dans nos futures productions avec ce qu’on a fait avec ce projet mais en soit, cet univers n’a pas été créé pour lui. signal, c’est juste une extension de notre univers.

rr.ch : Pour les prochaines sorties, est-ce qu’on doit plus s’attendre à des productions instrumentales ou des productions en collaboration avec des rappeurs ?

a1 : Pareil, on ne vise pas l’un ou l’autre en particulier. Pour l’instant, il y’a notre pote Neimo qui vit au Canada avec qui on bosse sur son projet. Et comme c’est la personne qui nous prend régulièrement des prods, c’est avec lui qu’on va dans un premier temps bosser. Et en parallèle, on a parlé avec notre pote Idée Noire qui a travaillé pour Khali, Realo ou même pour lui et on était chaud de faire un projet commun. Qu’on fasse des prods ensembles et qu’on fasse poser des artistes dessus, ça serait cool. Après, ça reste juste un projet donc on verra si ça se concrétise. Et enfin, je pense qu’il y’aura sûrement des sons sur lesquelles on ne voit pas forcément des rappeurs dessus et qu’on sortira comme ça, au feeling.

rr.ch : Dernière question, vous avez un univers assez singuliers qui va dans le rap, mais qui peut aussi aller dans beaucoup d’autres domaines. Est-ce que l’idée de produire pour un tout autre support comme le cinéma ou encore la publicité pourrait vous intéresser ?

a1 : A fond ! Faire des B.O de courts-métrage, de longs métrages, ça nous ferait kiffer de fou. Et c’est vrai que depuis le début, vu qu’on utilise des sonorités analogiques, on nous dit que notre univers marcherait super bien avec cet univers, dans un registre un peu futuriste. En soit, on taffe déjà un peu dans cette optique de diversification. Dans notre PC, on a des sons house, techno ou même d’autres styles qu’il faudrait inventer (rire). Et même, le son avec Ray Webster sur signal, ça n’a rien à voir avec du rap. Avec Nemo, on lui a fait un son un peu techno où il rappe dessus. Il ne sortira pas tout de suite mais il est mortel ! Donc, en soit, on touche à tout. Des fois, on fait des sons technos, des fois boom-bap, des fois même avec des percussions un peu spéciales presque rock comme dans instrospection. On est vraiment à la croisée des styles, on compose et on regarde ce que ça peut donner et si ça se place, tant mieux et sinon, tant pis.

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