Depuis maintenant un petit bout de temps, le retour en solo de Caballero était un serpent de mer. Il y avait d’abord eu ce « Double hélice 3 » qui, malgré une bonne qualité globale, avait moins su convaincre un public commençant peut-être à trop connaître la recette du duo. Puis il y avait eu la mixtape « High & Fines Herbes » mettant moins en avant l’alchimie Caba-JJ au profit des nombreux invités du projet. Et enfin, le double album « OSO / Hat Trick » avait vu le jour. Un double-album qui, même si il avait été présenté comme tel, de par sa construction outkastienne, avait plus l’allure de deux albums collés ensemble. On ne pouvait donc presque que s’attendre à un retour en solo pour les deux artistes, malgré la sortie récente d’un EP commun uniquement disponible en vinyl.

Un double retour attendu

Un dernier EP qui, malgré sa disponibilité restreinte, a tout de même joué son rôle, celui-ci présentant une couleur bien plus old-school. Il n’en fallait alors pas plus pour que les nostalgiques du Caba New-Yorkais à fond se réveille pour demander un double retour : celui de Caballero en solo et celui du boom-bap si cher à leurs âme de puristes. Enfin, cerise sur le gâteau, le retour en grâce auprès du public de ces sonorités, symbolisé par le récent succès du controversé Benjamin Epps promettait un terrain favorable au retour du Pharaon Blanc.

On vous conseille d’ailleurs de ne pas vous arrêter à cette tête d’affiche et de creuser cette scène en vous intéressant aux Ron Brice, LTA, Cham Rapper et consort qui mérite tout autant une mise en lumière de leur art. Et enfin (on revient à Caballero juste après, promis), on ne pouvait parler de ces artistes sans mettre en avant l’incroyable, mais bien trop méconnu, travail du duo de producteur Just Music Beats.

Un projet classique pour un format innovant

Mais revenons à notre artiste du jour qui, dans le contexte cité plus haut, nous est revenu vendredi dernier avec l’EP OSITO, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a su contenter ces fans de la première heure. Plus technique que jamais, le MC belge rime à n’en plus finir, enchainant les schémas de rimes complexes et les multysillabiques complètes. Une véritable leçon de rap dont on ne vous citera pas d’extrait, sélectionner quelques rimes dans ce florilège étant un véritable casse-tête pour nous.

Côté production, Caballero a su trouver un équilibre pour ne pas tomber dans le passéisme à outrance. En effet, si l’on retrouve des pistes clairement boom-bap tel que PARTIE IV : PHALANGES BLEUTÉES ou encore Robot, la majorité du projet se situe à la croisée des influences, gardant une atmoshpère old-school tout en modernisant certains éléments, notamment les batteries. Un joli travail de fond nous donnant un résultat à la fois sobre et intimiste, avec une pointe d’élégance que l’on doit à son compère de toujours JeanJass, mais aussi à l’excellent Dee Eye.

Mais outre ces qualités rapologiques et musicales, si l’on vous parle de ce projet, c’est aussi car il propose un partis pris intéressant dans sa forme. Car ce qui ressemble aux premiers abords à un EP classique révèle en fait une construction plus complexe. Commençons par la seconde partie formée de deux morceaux assez classique. Ceux-ci font en réalité plus office de bonus track et nous intéresseront moins aujourd’hui, même s’ils restent très bons.

C’est donc plutôt la première partie qui va retenir notre attention, celle-ci présentant une particularité : celle de n’avoir aucun morceau ne dépassent les 2 minutes et 1 seconde. Un format que l’on avait plus vu chez les pseudos rappeurs cherchant plus à plaire à l’algorithme Tik Tok qu’à créer, mais qui s’avère très bien fonctionner dans cet EP. Une réussite qui s’explique par le fait que les morceaux, en plus de leurs courtes durées, s’enchaînent très rapidement entre eux, ne laissant quasi aucun temps avec l’instrumentale seule, sans la voix. Cette façon de procéder nous plonge ainsi dans un espèce de freestyle sur disque de presque dix minutes dans lequel s’enchaîne phases et punchlines, nous laissant à peine le temps de respirer.

Un partis pris qui arrive à retranscrire un semblant de l’énergie d’un freestyle live sur un projet mais qui pourrait bien être salutaire. En effet, ce format pourrait aussi bien proposer une porte d’entrée idéale à des plus jeunes vers le boom-bap et une écriture technique et fournie. Une entrée plus en douceur pour des oreilles non-averties et habituées à des morceaux de plus en plus courts et moins en moins denses qui sera bien plus facile à appréhender que des morceaux avec troisième couplet datant de l’époque de nos grands frères. Sans en faire non plus un EP d’intérêt public, ce projet donc pourrait donc bien apporter sa modeste contribution à une problématique toujours plus actuel dans, à savoir celle de la transmission de cette culture au plus jeune

En conclusion, grâce à cette dernière sortie, Caballero arrive à résoudre un casse-tête peu évidant, celui de plaire à son ancien public tout en ne devenant pas totalement hermétique à son nouveau, le tout en proposant une musique de qualité. Un joli tour de force que l’on vous conseille fortement et qui pourrait bien s’avérer être la très bonne surprise de ces six premiers mois de 2022.

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